Place Monge (Le temps qu'il fait, 2008)


PRESSE

Le Matricule des Anges, juin 2008
Vestiges de guerre
1917 : le temps d'une permission, Jean L. retrouve l'appartement parisien que sa femme et leur petit garçon ont déserté, pendant cette Grande Guerre qui ne devait pas durer. Tel un fantôme revenu dans le monde des vivants, il passe là un moment, durant lequel il reprend pied avec un réel qui n'est plus le sien, lui qui est désormais aux prises, dans le "crépitement de la pluie sur le toit de tôle", aux "fusées multicolores" aux "visages hagards" et aux "cris". Plongés dans le noir d'un "enchantement léthargique" ces lieux gardent pourtant, presque palpables, les "ombres des êtres chers qui circulent librement dans la pièce". C'est sur cette évocation, d'une oppressante nostalgie, que s'ouvre ce premier roman. Bientôt l'officier meurt, laissant ses deux enfants à son épouse Gabrielle, qui s'était réfugiée dans la maison familiale de Corrèze avec ses parents. L'annonce de la disparition du lieutenant, comme celle de tant d'autres avant et après lui, parvient aux proches quasiment déréalisée par les courriers officiels : gratitude de l'État et chagrins individuels ne se rencontrent jamais. Frappée par ce deuil puis par la perte de sa petite fille, Gabrielle tente de survivre, portée par l'amitié intense qui l'unit à Andrée, veuve de guerre comme elle. Jean-Yves Laurichesse diffuse en nous l'incroyable tristesse de ces années, où la mort n'épargnait aucune famille, et dresse, par petites touches, une sorte de portrait impressionniste de la France d'alors. Classique, un peu sage, son écriture donne un beau corps tranquille à cette douleur collective ; et, comme le petit-fils de Jean L. découvrant les lettres et documents ayant appartenu à ses grands-parents, nous sommes remués par cet aperçu des "mémorials intimes", tendant notre oreille contemporaine aux échos de ces "plaintes déchirantes et solitaires".
Delphine Descaves

Le Nouvel Observateur, 3 juillet 2008
Le "coup de cœur" de Jérôme Garcin
Le glas

Ecrit à l'économie avec une émotion tremblée, ce livre discret est une merveille. Commencé comme un roman, il se poursuit comme un livre d'histoire et se termine comme un récit autobiographique. Jean-Yves Laurichesse, 52 ans, natif de Guéret, spécialiste de Giono et de Simon, y fait le portrait de son grand-père, jeune lieutenant tombé en mai 1918 à la tête de sa compagnie près du mont Kemmel. Un an auparavant, lors d'une brève permission, Jean avait passé quelques heures dans l'appartement vide et glacial de la place Monge, à Paris, d'où il avait écrit à sa femme, Gabrielle, réfugiée avec leurs deux enfants en Corrèze. Après la disparition de Jean, les drames se succèdent: leur fille de 3 ans est emportée et Gabrielle s'éteint, à 32 ans, d'une tuberculose. Ce paysage familial avec ruines, Jean-Yves Laurichesse le recompose à partir des lettres retrouvées: d'un poilu à sa femme, d'une veuve de guerre à une autre, d'une mère qui va mourir à son jeune fils, lettres d'amour, de désespoir, de réconfort, lettres laconiques de l'administration militaire, lettres qui ressemblent à des prières. Des cloches d'une église de village, Laurichesse écrit qu'elles s'étendent « en nappes de bronze vers les collines ». C'est exactement le son, cuivré, vibrant, prolongé, que fait entendre ce beau livre dont chaque phrase est une victoire contre l'oubli.
J.G.

Le Travailleur Catalan, 1er août 2008
Une famille française
Avec "Place Monge", Jean Yves Laurichesse qui fut enseignant à l'Université de Perpignan avant celle de Toulouse Mirail déroule des fils de mémoire.
Au commencement, la Grande Guerre, et les terribles empreintes qu'elle a laissées dans la quasi-totalité des familles de France, et d'ailleurs. La famille du romancier ne fait pas exception. Professeur de littérature, écrivain, c'est, naturellement, à partir de documents écrits qu'il a recomposé une histoire familiale. Il a retrouvé des lettres, fouillé dans les archives, tenté de démêler tous ces fils. Il en est sorti, non pas un récit mais un roman, un beau roman de mémoire, ce qui donne à l'histoire une dimension universelle. A l'aide de phrases courtes, dans une écriture délicate, distanciée, l'emploi de la troisième personne du singulier donnant une dimension presque impersonnelle, l'auteur fait surgir une succession de tableaux impressionnistes, avance par petites touches, plantant un décor, un autre. Un subtil va et vient entre les lieux et les mots, le temps. Appartements aux pièces désertées, lourds de souvenirs, de présences évanouies, jardins ensoleillés du temps du bonheur, lettres, reproduites telles quelles, listes de choses à faire... peu à peu, se dévoile un parcours que la boucherie de 14-18 a dessiné, de manière irrémédiable. Emergent, un beau portrait de femme brisée, une amitié, faite de communion dans le malheur. Placé sous les ombres tutélaires de Proust et de Claude Simon, références évidentes, ce joli (une évocatrice reproduction de Vilhelm Hammershoi orne la couverture) et émouvant petit livre est riche de résonances intimes autant qu'il renvoie à l'Histoire.
NG

Olé ! magazine, septembre 2008
C’est un livre mince et un premier roman élégamment et sobrement édité dans la tradition du Temps qu’il fait. Le titre, une place parisienne, intriguera comme l’image de couverture : une femme de dos, occupée probablement à une tâche ménagère dans un intérieur bourgeois. On cédera facilement à la tentation de se risquer à une incursion dans cette intimité. Mais dès les premières pages de Jean-Yves Laurichesse, on sait que l’on ne la connaîtra pas de sitôt, et qu’elle ne sera jamais exposée dans ce quotidien un peu gris. Ou bien que nous sommes dans une autre face de celle-ci, dans sa part d’ombre. L’auteur en effet, d’une lecture épurée, acérée, nous impose celle-ci d’emblée, la Grande Guerre, un officier en permission dans le même temps qu’il insinue simultanément une autre intimité lointaine détachée ou arrachée, qu’il décrit en saynètes successives. Une famille, les vieux parents, une jeune mère, de très jeunes enfants, et non plus Paris mais une profondeur provinciale, froide, oppressée par l’époque. Un ennui apeuré tout soumis déjà au pressentiment. S’ensuivra le malheur, la mort au combat, le destin attendu que J.Y. Laurichesse reconstruit par une écriture qui semble être d’abord d’une sécheresse implacable, détachée, dans le ton des documents militaires qu’il utilise. Puis insensiblement le narrateur s’approche du deuil, de la veuve, et le trait se marque progressivement d’une compassion curieuse, d’une implication charnelle, familiale. Les dernières pages, celles d’un retour à la Place Monge entre dévoilement et mystère, peuvent être aussi les portes d’une autre lecture. Cette place en effet est celle du domicile parisien de Claude Simon qui la décrit dans plusieurs de ses romans et l’officier de Laurichesse adopte sur celle-ci le point de vue surplombant de l’auteur du Jardin des plantes. Comme probablement la maison de la veuve est nourrie, outre par ceux de l’auteur, par des souvenirs de l’enfance ou de la jeunesse catalane de Claude Simon. Universitaire et essayiste J.Y Laurichesse est familier de l’œuvre et de ce point de vue, Place Monge, est aussi un bel hommage à un écrivain décisif qui disait en 1960 : ce que j’ai voulu c’est forger une structure qui me permette de présenter les uns après les autres des éléments qui dans la réalité se superposent. Pari difficile et brillamment tenu par Laurichesse dans ce beau livre élégant mais juste et donc indispensable.
Daniel Bégard


CRITIQUE UNIVERSITAIRE

Entretien avec Karine Gros, colloque "L'habit d'emprunt", Médiathèque L'Astrolabe, Melun, 10 juin 2011

Cahier d'artistes présenté par Sylvie Vignes, revue Textimage, n° 9, "Revoir 14 : images malgré tout ?", printemps 2017


RADIO

Radio Présence, émission "Talents", 15 janvier 2009
Entretien avec Marie-Pierre Pawlak

Radio Occitania, émission "Page à page", 10 juin 2010
Entretien avec Claire Ambill


INTERNET

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